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Meeting du 26 avril à Paris : discours de Jean-Pierre Mercier

Au sommaire de la brochure

Sommaire

    Camarades,

    Le 9 juin prochain, nous serons présents dans les élections européennes avec notre liste Lutte ouvrière, le camp des travailleurs. 

    Oh, évidemment, pas en cherchant à faire miroiter aux yeux des travailleurs l’espoir que ces élections européennes pourraient changer leur sort. Cela, aucune élection ne pourra jamais le faire. 

    Nous laissons aux politiciens professionnels bien réformistes le soin de mentir. Tous à leur façon expliquent à toutes les élections, qu’un bulletin de vote pourrait permettre d’améliorer les choses comme l’avait fait Macron qui affirmait, souvenez-vous, qu’enrichir les riches c’était une bonne chose car cela provoquerait un ruissellement sur l’ensemble de la société. On voit ce qu’il en est aujourd’hui : le ruissellement est resté dans les poches des riches bien évidement. 

    Pour la France insoumise, le parti de Mélenchon, le slogan de campagne est : « Donnez-nous la force de tout changer ». Comme si une délégation importante de députés LFI au Parlement européen pouvait « tout changer » ! 

    Le Parlement européen est, comme le Parlement français, un paravent du pouvoir de la bourgeoisie, avec une petite différence : il a encore moins de pouvoir que le Parlement français. La seule différence entre le Parlement européen et le Parlement français, c’est que celui-ci n’a pour rôle que de voter des lois pour défendre les intérêts des capitalistes français, tandis que le Parlement européen est une arène où s’opposent les intérêts concurrents des capitalistes de toute l’Europe, ou du moins des pays les plus riches d’Europe. 

    Dans cette élection pour élire le Parlement de cette union européenne capitaliste, nous voulons faire entendre le camp de travailleurs. 

    Parce que pour nous, la division essentielle qui existe en Europe n’est pas celle des États, des frontières, des langues ou des religions : c’est celle des classes sociales. 

    Comme chacun des États qui la composent, l’Union européenne est divisée en deux camps : le monde du travail d’un côté, la bourgeoisie de l’autre. 

    D’un côté, ceux qui font tout tourner, de l’autre, ceux qui exploitent. D’un côté, presque 250 millions de femmes et d’hommes qui travaillent ; de l’autre, quelques centaines de richissimes familles, essentiellement situées dans les pays impérialistes, qui concentrent entre leurs mains bien plus de pouvoir que tous les parlements et tous les gouvernements réunis. 

    Comme dans toutes les élections, les partis politiques qui se succèdent au gouvernement ont fait élaborer leurs slogans par des communicants, des publicitaires, et bien malin qui peut faire la différence entre les objectifs de la liste PS, qui s’appelle « Réveiller l’Europe », et celle des macronistes, qui s’appelle « Besoin d’Europe » ! 

    Eh bien nous, nous n’avons pas besoin de payer des publicitaires pour donner un nom à notre liste, c’est le même depuis bien longtemps et ce n’est pas près de changer camarades : nous représentons le camp des travailleurs !

     

    Si nous nous présentons à ces élections, ce n’est pas pour prétendre améliorer l’Union européenne, ce n’est pas pour alimenter le débat stérile sur « plus d’Europe ou moins d’Europe » ni pour discuter de savoir s’il faut sortir de l’Europe ou y rester. 

    C’est pour affirmer qu’à l’échelle des États nationaux comme de l’Union européenne rien ne changera pour le monde du travail, sinon en pire, tant que la bourgeoisie sera aux commandes. 

    Nous nous présentons pour donner aux travailleurs conscients l’occasion d’exprimer leur révolte, et de dire, en votant pour nous, leur accord avec la perspective que nous défendons, en tant que communistes révolutionnaires : renverser l’ordre capitaliste et la grande bourgeoisie qui est à sa tête. 

     

    ***

    Cette perspective est plus que jamais une nécessité. Parce que cela crève les yeux, aujourd’hui, que le capitalisme mène la société tout entière vers l’abime. 

    Dans les usines et les bureaux, la guerre est sur toutes les lèvres. 

    Avec la guerre en Ukraine, la guerre à Gaza, le regain de tension entre Israël et l’Iran, les informations nous amènent chaque jour des images atroces de massacres, de bombardements, de tranchées, d’enfants massacrés, de populations qui meurent de faim et de froid. 

    Et les discours va-t-en-guerre de Macron et de ses ministres, le budget de l’armée qui explose, les phrases 1000 fois ressassées par le gouvernement sur « la nécessité du réarmement », les généraux en retraite qui cachetonnent matin, midi et soir sur les plateaux télé – tout cela alimente l’angoisse légitime des travailleurs sur la possibilité d’un embrasement militaire général. Nathalie reviendra, tout à l’heure, sur la situation internationale.

    Mais si la France n’est pas, ou pas encore, en guerre militaire, il y a une autre guerre qui, elle, a éclaté depuis qu’existe la classe ouvrière et qui fait rage : c’est la guerre sociale que mènent contre le monde du travail la grande bourgeoisie et ses serviteurs au gouvernement, pour maintenir des taux de profits au sommet malgré le ralentissement de l’économie mondiale. 

    Cette guerre-là, elle n’a pas pour décor les tranchées, mais les salons feutrés des ministères et des conseils d’administration. Elle ne se mène pas avec des obus et des canons mais à coups de lois, de décrets, de décisions patronales qui tombent comme des couperets sur les travailleurs. Mais les ravages qu’elle cause sont bien visibles, et très concrets. 

    Du côté de la bourgeoisie elle-même, cette guerre sociale prend la forme des licenciements, des fermetures d’usines, de l’aggravation permanente des conditions de travail pour ceux qui gardent un emploi quand des millions d’autres crèvent au chômage. 

    Et tous les prétexte sont bons. Par exemple, dans le secteur de l’automobile, c’est la transition énergétique qui est le prétexte, la tarte à la crème des fermetures d’usines et des milliers de suppressions d’emplois.

    Cette guerre prend aussi la forme de l’inflation, qui n’est ni une fatalité ni une loi abstraite de l’économie ou de la nature, mais une décision consciente, organisée de la bourgeoisie. 

    La hausse des prix que nous subissons de plein fouet depuis deux ans n’est rien d’autre qu’un racket qui permet mécaniquement à la bourgeoisie d’augmenter ses profits sur le dos des consommateurs, c’est-à-dire sur notre dos à tous – parce que l’inflation concerne avant tout les produits de première nécessité, nourriture, vêtements, chauffage, électricité, essence… 

    Avec pour conséquence de plus en plus de travailleurs qui n'arrivent plus à se nourrir correctement, le retour des files d’attentes devant les épiceries sociales qui distribuent de la nourriture aux étudiants, des ménages ouvriers qui ont passé l’hiver en ne chauffant que partiellement leur logement… 

     

    C’est vrai en France, et c’est vrai en Europe : déjà en 2021, au sortir de la crise du Covid, presque 100 millions d’Européens, soit un cinquième de la population de l’Union, était sous le seuil de pauvreté ou souffrait « de graves privations matérielles et sociales », selon l’expression utilisée par l’institut Eurostat. Alors imaginez, après deux ans d’inflation massive, ce que doivent être les chiffres aujourd’hui. 

    Dans toutes les entreprises, au-delà de ces attaques massives contre notre niveau de vie, nous subissons chaque jour des attaques plus ciblées, si l’on peut dire, sur les congés, sur les pauses, sur l’obligation de faire des heures supplémentaires. 

    Les patrons font la course aux économies à tous les étages – oh, pas sur leurs dividendes ou sur la rémunération de leurs PDG, mais sur nos conditions de travail et de vie, jusque dans les moindres détails. Comme chez Renault à Batilly, en Lorraine, où désormais la direction ne fournit plus de vêtements de travail ni de chaussures de sécurité aux intérimaires – qui en sont réduits à travailler sur les chaines de montage en civil, à moins d’acheter leurs propres vêtements de travail chez Lidl. 

    Quant au gouvernement, il mène lui aussi une offensive « de haute intensité », selon un terme devenu à la mode, contre le monde du travail. 

    Oh, cela ne date pas d’hier : tous les gouvernements, de gauche, de droite ou les deux à la fois ont apporté leur pierre à cette offensive – rappelez-vous, pour ne prendre qu’un exemple, les lois El Khomri sous François Hollande. 

    Mais Macron, depuis sept ans qu’il est aux affaires, a reçu du Medef l’ordre d’accélérer la manœuvre. Des ordonnances contre le Code du travail de l’automne 2017 jusqu’à la réforme des retraites, l’an dernier, les mesures anti-ouvrières se succèdent année après année, mois après mois. 

    Et le patronat n’en a jamais assez ! À peine l’encre des décrets sur le recul de l’âge de la retraite était-elle sèche que le gouvernement passait à l’attaque contre les chômeurs ! 

    Avec ces formules ressassées jusqu’à la nausée par le Premier ministre Attal sur le fait que « le travail doit payer plus que l’inactivité », ce qui évidemment ne veut pas dire dans sa bouche qu’il faut augmenter les salaires mais qu’il faut réduire encore les allocations misérables des chômeurs, accusés d’être des fainéants et des profiteurs !

    Comment ne pas ressentir de la rage devant ces propos, lorsque l’on connaît le drame des travailleurs jetés à la porte des entreprises comme des malpropres, recherchant désespérément un travail face à des patrons impitoyables qui leur disent qu’ils sont trop vieux, ou trop jeunes, ou pas assez formés, ou trop diplômés, ou trop exigeants parce qu’ils refusent d’être payés au smic ! 

    Comment ne pas exploser de colère en entendant ces ministres grassement payés traiter de « profiteurs » les titulaires du RSA à 607 euros et 75 centimes par mois, quand ils n’ont qu’une admiration servile pour des patrons qui encaissent des milliards de dividendes sans avoir bougé le petit doigt ? 

    Ou ces sénateurs, qui rejettent avec mépris toute idée d’augmentation générale des salaires, des pensions et des allocations, mais qui viennent de se voter une jolie petite augmentation mensuelle de 700 euros par mois – parce que, comprenez-vous, les frais d’hôtel ont fortement augmenté l’an dernier ! 

    Alors oui, il est grand temps qu’une salutaire explosion de colère du monde du travail vienne rappeler un peu le sens des réalités et remette les pendules à l’heure à cette bande de crapules !

     

    Oui, le fossé se creuse, inexorablement, entre le monde du travail et l’infime minorité qui détient le capital entre ses mains. 

    Bien loin du baratin servi par le gouvernement sur « le partage des fruits de la croissance », « l’actionnariat salarié » qui serait le remède magique pour éviter d’augmenter les salaires, et autres foutaises sur l’intéressement et la participation, la réalité est tout autre : les profits, les « fruits de la croissance » comme dit le gouvernement qui sont en réalité « les fruits de l’exploitation », se concentrent dans un nombre de mains de plus en plus infime. 

    Selon un rapport récent de France stratégie, un institut gouvernemental, 96 % des dividendes des entreprises, en France, sont perçues par… 1 % de la population. 

    Ces 1 %, ce sont ceux qui ont eu une nouvelle occasion de sabler le champagne depuis le début de l’année avec la publication des chiffres de profits pour 2023. 

    Pour la troisième année consécutive les profits des entreprises du CAC40 ont battu un record avec 146 milliards d’euros l’an dernier. Entre 2021 et 2023, les actionnaires du CAC40 ont encaissé 445 milliards d’euros ! Pour mémoire, je rappelle que le gouvernement a imposé un recul de deux ans de l’âge de la retraite à des millions de travailleurs pour un prétendu trou dans le budget des caisses de retraite de… 10 milliards d’euros. 

    Les chiffres donnent le tournis : Total, 19,3 milliards de bénéfice, Stellantis, 18,6, LVMH, 15 milliards, BNP, presque 11 milliards – ce dernier résultat étant pourtant qualifié de « décevant » par les financiers. 

    Et c’est comme ça que des entreprises comme Stellantis, où je travaille, peuvent s’offrir des PDG qui émargent à 100 000 euros par jour ! Si cette rémunération de Carlos Tavares a de quoi choquer, en particulier quand on se casse le dos sur les chaînes de production pour 1 500 euros par mois, cela ne doit pas faire oublier que ce salaire dément n’est qu’un pourboire pour les actionnaires du groupe qui, eux, ont encaissé 6,6 milliards d’euros l’an dernier, soit 18,3 millions d’euros par jour samedi dimanche compris. 

    La grande bourgeoisie affiche ses gains inouïs sans aucun complexe, avec toute la fierté cynique des possédants qui ne doutent de rien. Et le gouvernement embraye, en enjoignant les travailleurs à être « fiers » des bons résultats de « nos champions français », les « MBappé de l’industrie », comme ils disent, comme si ces résultats avaient été obtenus grâce à la compétence de leurs dirigeants et non sur la sueur de leurs travailleurs et des dizaines de milliers de licenciements.

     

    À l’opposé de ce feu d’artifice de milliards pour les capitalistes, tout le reste de la société s’enfonce dans la précarité. Les travailleurs triment du matin au soir sans arriver à payer leurs factures, à résoudre leur problème de logement, à se chauffer et se soigner correctement alors qu’ils sont cassés par le travail. 

    Les chômeurs, toujours plus nombreux sont condamnés à la misère. Les vieux travailleurs des classes populaires arrivent à peine à survivre de leurs retraites indignes. 

    Dans les quartiers populaires, la jeunesse, après avoir été rejetée par l’école, se retrouve livrée à la délinquance, aux trafics en tout genre, et la violence extrême se banalise dans les banlieues pauvres – signe infaillible que la société dégénère dans son ensemble, que le monde devient de plus en plus brutal et inhumain.

     

    Et cette situation ne va faire que s’aggraver, immanquablement, parce qu’à force de distribuer des milliards à fonds perdus au grand patronat, à force de supprimer les impôts et les cotisations pour les plus riches, le gouvernement continue de vider les caisses de l’État et s’alarme aujourd’hui du déficit public jugé « intenable ». 

    Et bien évidemment, comme il n’est pas question pour lui de taper dans la fortune des milliardaires ni d’arrêter de financer lui-même les investissements que la bourgeoisie ne veut pas faire, c’est le retour de « l’austérité » pour les travailleurs. 

    Dix milliards d’économies sur le budget pour 2024, 20 milliards annoncés l’année prochaine. Nous savons tous ce que cela veut dire : moins d’argent pour l’école, pour l’hôpital, pour les chômeurs, pour les retraités, pour les associations qui essayent désespérément de pallier les carences de l’État dans les quartiers populaires… Oui ce sont les travailleurs qui vont payer pour le déficit de l’État, comme ils ont payé le « quoi qu’il en coûte » au profit de la bourgeoisie pendant le covid. 

    Cette cure d’austérité aura des conséquences directes dans nos vies de travailleurs. 

    Alors que ces milliards ne sont même pas encore supprimés des budgets publics, regardez dans quel état est la santé publique – pour ne prendre que cet exemple ! 

    Les dizaines de milliers de lits d’hôpitaux fermés au fil des années, les médecins qui manquent, les services d’urgences qui ferment leurs portes les uns après les autres, des départements entiers où il n’y a plus qu’une seule maternité ! On continue à entendre parler de patients qui meurent sur un brancard, dans un couloir d’hôpital, faute de soins, de femmes qui accouchent sur une aire d’autoroute faute d’avoir pu trouver une maternité suffisamment proche. 

    Et que dire des 3, 5, parfois 8 heures d’attente aux urgences pour être vu par un médecin, des six mois, parfois un an, pour obtenir un rendez-vous avec un cardiologue ou un ophtalmo ! 

    Le personnel des hôpitaux a beau se démener, cela ne peut remplacer les milliers de postes qui manquent. Les Ehpad publics sont à l’agonie : un rapport de la Fédération hospitalière de France révèle que 85 % d’entre eux sont en déficit, faute de moyens – ce chiffre a été multiplié par deux en cinq ans ! 

     

    Oui, les services publics sont dans une situation critique, parce que l’État veut préserver coûte que coûte les dizaines, les centaines de milliards qu’il verse d’une façon ou d’une autre au patronat. 

    Et tout cela se déroule alors même, je l’ai dit, que la bourgeoisie croule sous les milliards.

    Même si la crise est rampante depuis des décennies, il n’y a pas eu d’effondrement économique comparable à ce qui s’est passé lors de la crise de 1929. Alors, à l’aune de ce que nous subissons aujourd’hui alors que les affaires de la bourgeoisie sont florissantes, il faut imaginer ce qui se passera demain lorsque l’économie s’effondrera, à la suite d’une crise spéculative, d’un krach boursier ou de la faillite de telle ou telle grande banque. 

    Même si ce constat n’a rien de réjouissant, il nous faut être conscient que – sans même parler du risque de guerre – le pire est devant nous et que la guerre sociale va de plus en plus s’intensifier. 

    Pour l’instant, et depuis des décennies, la lutte des classes n’est véritablement menée que par un seul camp, celui de la bourgeoisie. 

    Alors le monde du travail doit s’apprêter à rendre les coups, à se préparer à mener, lui aussi, la guerre de classe car c’est la seule voie possible pour défendre sa peau ! 

    ***

    Oui, le patronat peut aujourd’hui se sentir tout-puissant. Il ordonne, et les gouvernements s’exécutent – ou parfois il n’a même pas besoin d’ordonner tant ses larbins du monde politique sont empressés à devancer ses moindres désirs. 

    Un Bernard Arnault, à la tête d’une entreprise qui représente 384 milliards d’euros de capitalisation boursière, a infiniment plus de poids que n’importe quel ministre, et ce n’est pas nous qui le disons : l’été dernier, dans le journal Le Monde, un cadre de ce groupe, LVMH, expliquait tranquillement : « Nous sommes si gros et si puissants que nous n’avons plus besoin du faire du lobbying : ça se fait tout seul. »

    Il y a quand même des moments où les capitalistes ont besoin de taper un peu du poing sur la table pour faire valoir leurs intérêts et faire remballer telle mesure ou telle décision qui ne les arrange pas. 

    Cela a été le cas tout récemment, lorsque l’Assemblée nationale a examiné une proposition de loi visant à interdire les « PFAS », des composés chimiques que l’on surnomme « polluants éternels », et qui se trouvent être particulièrement présents dans les poêles Tefal de l’entreprise SEB. 

    À la suite de l’intervention vigoureuse du groupe SEB, il a été décidé par les députés que les PFAS seraient interdits en France sauf… dans les ustensiles de cuisine. 

     

    Autre exemple : la presse a dévoilé l’an dernier un important scandale sur les eaux minérales impliquant notamment les géants du secteur. 

    Il est apparu que les eaux minérales produites par certaines entreprises n’étaient pas conformes aux normes définissant les eaux minérales et permettant aux fabricants, excusez du peu, de les vendre à ce titre 400 fois plus cher que l’eau du robinet. L’eau n’était pas aux normes ? Le gouvernement, après une discrète visite des représentants des industriels auprès de la ministre concernée, a trouvé la solution : il a changé les normes. 

    Au Parlement comme dans les gouvernements, les politiciens sont tellement profondément pénétrés et convaincus de la domination de la bourgeoisie qu’ils mènent « naturellement », pourrait-on dire, une politique favorable à celle-ci, sans que la bourgeoisie ait besoin de tirer sur la laisse. 

    Et ce qui est vrai à l’échelle de la France l’est tout autant à l’échelle européenne, où ce sont les grandes entreprises capitalistes et leurs lobbyistes qui font la loi au Parlement de Bruxelles, imposant des directives, des normes et des règlements à leur main. Et de toute façon, si les règles ne leur conviennent pas, ils les détournent à leur guise ! 

    Un exemple ? On a appris récemment que le groupe Stellantis et son patron Tavares, encore lui, pourtant grand pourfendeur de la concurrence chinoise en matière automobile, a acquis pour 1,5 milliard d’euros 20 % du capital du constructeur automobile chinois Leapmotor. 

    Mais les règles européennes en matière de douanes pénalisent le fait d’importer ces voitures directement de Chine. Pas de problème : Stellantis a ordonné de construire en Chine les voitures non assemblées c’est à dire en kit, ce qui au moment de les importer en Europe lui permet d’échapper aux taxes les plus coûteuses puis de les faire assembler dans son usine polonaise Fiat de Tichy pour ensuite être vendues en Europe occidentale. Et le tour est joué.

    Ça n’empêche pas Tavares de continuer à désigner l’automobile chinoise comme l’ennemie n°1 et de marteler auprès des travailleurs de Stellantis et de tous les sous-traitants en Europe que nous coûtons trop cher par rapport aux travailleurs chinois !

     

    Oui, toute la société capitaliste est organisée en fonction des intérêts de la grande bourgeoisie. 

    Logiquement, chercher à camoufler ce poids déterminant de cette grande bourgeoisie dans la gestion de la société est l’une des préoccupations essentielles des gouvernants. 

    On cherche, en permanence, à nous faire regarder ailleurs, pour que notre colère ne se tourne pas vers les vrais responsables – ceux qui dirigent, ceux qui décident, ceux qui organisent tout, c’est-à-dire les capitalistes. 

    De la gauche à l’extrême droite, les politiciens rivalisent d’imagination pour désigner des boucs émissaires. 

    En ce moment, je l’ai dit, le gouvernement joue la carte des chômeurs, accusés de tous les maux et désignés comme responsables du déficit de l’État et des caisses sociales. Et quand ce ne sont pas les chômeurs, ce sont les travailleurs immigrés, et plus encore ceux d’entre eux qui sont musulmans. 

    Mais le couplet le plus fréquemment entonné, c’est évidemment celui de la « concurrence étrangère ». Rappelez-vous, il y a 20 ans, en 2005, au moment du référendum sur le traité européen, on nous servait déjà le « plombier polonais », expression inventée par le souverainiste Philippe de Villiers pour dénoncer la prétendue concurrence déloyale que les travailleurs étrangers faisaient peser sur les travailleurs français. 

    Vingt ans après, pas grand-chose n’a changé. Léon Deffontaines, qui conduit la liste du PCF, s’est opposé à tout projet d’élargissement de l’Union européenne, expliquant que « le salaire minimum est de 50 euros par mois en Moldavie », et ajoutant : « Les ouvriers de Whirlpool ou de Goodyear d’Amiens, qui ont vu leur boîte partir en Roumanie et en Pologne, ne voteront jamais pour l’élargissement de l’Union européenne ». 

    Pour lui, ce ne sont donc pas les patrons de Whirlpool ou de Goodyear qui sont responsables de la fermeture de ces usines, mais… l’Union européenne. Et, accessoirement, les ouvriers moldaves, présentés comme des concurrents des ouvriers français. 

    Pour dire toute la vérité, il faut reconnaître que le PCF a évolué dans son nationalisme, puisqu’il ne milite plus pour la sortie de l’Europe au nom de la souveraineté nationale. 

    En 1979, lors des premières élections européennes, voilà ce qu’on pouvait en effet lire dans un matériel de campagne du PCF : « L’élargissement et l’intégration dans l’Europe supranationale conduiraient notre pays au déclin, à la dépendance, à ne plus être qu’une province secondaire de l’empire américano-germanique. Comme en 1938 pour dénoncer la trahison de Munich, comme dans la résistance à l’occupation nazie, comme en 1954 dans la lutte pour empêcher la création d’une armée européenne sous commandement allemand et américain, le Parti communiste se dresse contre l’entreprise de régression sociale et de capitulation nationale. Il appelle au combat tous les travailleurs, tous les patriotes, ceux qui veulent une France écoutée et respectée, ceux qui veulent “vivre, travailler et décider au pays” ». 

    Mais même s’il n’utilise plus ce genre d’arguments que le Rassemblement national ne renierait pas, la logique du PCF d’aujourd’hui reste fondamentalement la même, en laissant entendre que la France est un pays plus protecteur pour les travailleurs que les autres, et que s’ouvrir à la « Moldavie » serait un danger pour le monde du travail. 

    Alors nous, dans cette campagne, nous serons les seuls à dire la vérité : ceux qui menacent nos emplois, nos salaires, nos conditions de travail, ceux qui pillent dans les caisses de l’État, ce ne sont ni les travailleurs étrangers, ni les réfugiés, ni les chômeurs, ni les malades, ni les allocataires du RSA : ce sont les capitalistes, et en premier lieu les capitalistes français ! 

    Le danger, en France, en Allemagne, en Pologne comme en Moldavie, c’est la rapacité du grand patronat qui cherche partout à écraser les salaires et intensifier l’exploitation. C’est contre lui, contre sa rapacité qu’il faut mener le combat. Et pour gagner ce combat-là, nous aurons besoin d’unir nos forces avec les travailleurs des autres pays d’Europe, y compris, n’en déplaise à Leon Deffontaines, les ouvriers moldaves ! 

    Le groupe Stellantis possède 19 usines dans l’Union européenne, en dehors de la France, sans compter ses deux usines en Grande-Bretagne et trois au Maghreb. Renault a au moins 5 usines dans le reste de l’Union européenne. 

    Le groupe chimique Sanofi a des usines ou des laboratoires en Belgique, en Italie, en Allemagne, en Suède, au Portugal, en Pologne, et j’en passe ! 

    Tous les grands groupes industriels, de Continental à Bayer, de BASF à Airbus en passant par leurs innombrables sous-traitants, ont des implantations industrielles dans tous les pays de l’Union européennes, ce qui constitue, à l’échelle de l’Union et pour ne parler que de ces grandes entreprises, une armée de centaines de milliers de travailleurs qui ont fondamentalement les mêmes intérêts, connaissent les mêmes difficultés, la même exploitation, les mêmes craintes de l’avenir. Et surtout ont le même patron, c’est-à-dire le même ennemi. 

    Nous devons, de toutes nos forces, nous battre contre le préjugé 1000 fois répété par les patrons, les politiciens et même les syndicats, que les travailleurs des autres pays seraient nos concurrents et non nos alliés. 

    Regardez ce qui se passe dans les entreprises : les patrons nous expliquent en permanence que nous devons être partie prenante de la concurrence que se mènent les patrons entre eux. Quand vous travaillez à Stellantis, on vous explique qu’il faut être meilleurs que Renault, à Continental il faut produire moins cher qu’à Michelin, à Sanofi il faut être plus productifs que chez Bayer. C’est un piège, parce que les patrons se servent toujours de cet argument pour s’attaquer à nos conditions de travail et de salaires ! 

    Eh bien il en va exactement de même sur la concurrence entre nationalités, qui est une variante du même piège : les travailleurs des autres pays ne sont pas nos ennemis mais nos frères de classe, et dans la guerre que les capitalistes se livrent entre eux, nous n’avons pas à choisir les uns plutôt que les autres. Notre camp c’est le camp des travailleurs !

    Tomber dans ce piège est mortel pour les travailleurs, parce que cela les rend, de fait, solidaires de leur patron et solidaires des mesures qui sont prises contre eux. 

    Au lieu d’agiter les salaires scandaleusement bas des travailleurs de l’Est de l’Europe, adressons-nous à eux. Disons-leur, bienvenue dans le combat : battons-nous ensemble pour nos droits de travailleurs ! Battons-nous ensemble pour un smic européen ! Battons-nous ensemble pour que les droits des travailleurs de toute l’Europe soient alignés sur ceux les plus élevés ! 

    Et surtout, le plus fondamental et le plus urgent, renouons ensemble avec la perspective révolutionnaire : la nécessité de remettre en question l’organisation même de la société capitaliste !

    Le capitalisme n’est pas seulement l’ennemi des travailleurs : c’est l’ennemi du genre humain, et en ces temps de crise économique, écologique et militaire, cela paraît plus évident que jamais. 

    Les problèmes de la société ne pourront être résolus tant que les capitalistes seront aux commandes. Il faut les renverser ! Nous avons 1000 fois la force de le faire, à l’échelle de la France mais, bien plus encore, à l’échelle de l’Europe, si les dizaines de millions de travailleurs européens retrouvent le chemin de la solidarité de classe et du combat.

    Nous, les travailleurs, faisons tout fonctionner, tout tourner. Sans nous, il n’y a pas de production comme sont en train de le démontrer, sur un exemple microscopique, en ce moment même, les 400 travailleurs de MA France, sous-traitant de Stellantis à Aulnay Sous-Bois qui sont en grève contre la fermeture de leur usine d’emboutissage, fermeture décidée par Stellantis, le donneur d’ordre. 

    À seulement 400 travailleurs, déterminés, ils paralysent par leur grève, depuis lundi dernier la production de trois grandes usines terminales, celles de Poissy, Hordain dans le Nord et Lutton en Angleterre parce qu’ils ne fabriquent plus quelques pièces indispensables à la fabrication finale des voitures. 

    C’est ça la force de la classe ouvrière ! Quand elle s’arrête de travailler, tout s’arrête de fonctionner !

    Oui sans les travailleurs, il n’y a pas de services, pas de transport, il n’y a pas de profits, pas d’accumulation du capital – en un mot, il n’y a pas de société. 

    La grande bourgeoisie a besoin de nous, car c’est de notre travail que vient le moindre centime de ses richesses. Mais nous, nous n’avons pas besoin d’elle, parce qu’elle ne fait rien, ne produit rien, ne sert à rien.

    Oui, nos forces, les forces de la classe ouvrière, sont intactes même si aujourd’hui elles ne s’expriment pas encore au travers de lutte puissantes. 

    Ce qu’il manque aux travailleurs, c’est la conscience de cette force. 

    C’est pourquoi notre raison d’être – et plus accessoirement la raison de notre présence dans ces élections européennes – c’est de reconstruire un parti communiste révolutionnaire qui leur permettent de prendre conscience de cette force collective qu’ils représentent, non seulement pour se faire respecter et mettre un coup d’arrêt aux reculs que la bourgeoisie veut nous imposer, mais pour refonder la société sur d’autres bases. En la débarrassant à jamais de ce système absurde et mortel qu’est le capitalisme.

    Vive la classe ouvrière, vive le communisme !

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